L’entreprise autrement | C’est l’action globale qui manque le plus (VI)

Avec un  élément humain défectueux,  aucun  système économique et même global de la vie d’un pays ne peut avancer ni même survivre,  comme nous l’avons plusieurs fois rappelé, ici-même et encore une fois, dans notre précédente chronique.

Il faudrait se résigner à reconnaître que si notre pays  est  aujourd’hui  au bord de la faillite économique et financière, c’est  parce qu’il subit, depuis des décennies, une vraie crise à la fois éducationnelle, morale, culturelle et intellectuelle, dont les effets destructeurs ont frappé de plein fouet la famille et aussi la société entière.

Qu’il soit aux commandes du pays, des institutions, des entreprises ou des équipes ou  bien un simple exécutant,  l’élément humain est donc devenu, en Tunisie, un vrai et terrible frein au progrès . Pire, souvent  un élément destructeur.

Ecrasée,  depuis l’Indépendance par un Etat castrateur, héritier du système colonial, devenu rapidement l’otage d’un  groupe dominant, dirigé d’une manière despotique puis devenu mafieux,  la société a, en effet, été, hélas,  livrée à la décomposition, puis à la putréfaction. Et ledit groupe qui a fini par parasiter l’Etat et l’affaiblir.

Le désespoir et le fatalisme se sont donc installés, et les générations montantes ont été rapidement gagnées par ces sentiments négatifs. « Avec ou sans diplôme, point de salut », le slogan assassin paru au milieu  des années 70, résume cet état d’esprit qui s’est ancré et aggravé au fil des jours.

De plus, chacun, et par expérience, sait depuis des décennies, que rien d’utile ne pourrait  être entrepris dans le pays sans le recours aux relations personnelles, puis à la corruption. Pire, même l’obtention du  droit ou du service le plus élémentaire peut parfois nécessiter le recours à ces pratiques honteuses.    

Tout cela a eu lieu dans le cadre du conflit séculaire Etat-peuple qui a abouti à l’affaiblissement mutuel des deux antagonistes.  Le soulèvement  de fin 2010-début 2011 est venu, pour  certains aspects, aggraver la situation et a inauguré l’ère Etat faible et société en déliquescence.

D’où l’apparition de vices, tels que le gain facile, la filouterie, l’escroquerie et  le m’as-tu-vu,  rapidement devenus une culture. Celle-ci a fini par créer des pratiques qui ont gagné les hautes sphères de la société, telles que l’enseignement, la santé  et les institutions du pouvoir, y compris la justice.

D’où aussi  un pays gangrené par des tares, telles que  apathie rampante, manque ou absence de discipline, généralisation de l’impunité, laisser-aller, laxisme, absence de ponctualité, perte du temps, je-m’en-foutisme, fainéantise, attentisme, propension au désordre et à l’anarchie, impulsivité, impatience, absence ou faiblesse de l’esprit d’équipe, faiblesse du jugement rationnel (d’où les lavages de cerveaux généralisés et la facilité de tomber dans les filets de l’endoctrinement),  manque de rigueur, négligence de tout ce qui est en rapport avec l’information,  manque de créativité et autres.

Cela a participé, d’une manière décisive, à la généralisation de la violence, de la corruption, et plein  d’autres  fléaux sociaux et économiques, conduisant à la délinquance et au crime. Même le sentiment d’appartenance au pays et le patriotisme sont de plus en plus défaillants.

Il est donc devenu vital, pour nous, de réhabiliter la famille et toutes les institutions éducatives du pays, dont  le service national. Ce dernier a été, depuis l’Indépendance politique du pays,  complètement marginalisé, et dévalorisé et miné par des pratiques, telles que les sursis laxistes,  les exemptions trop indulgentes  et le recours aux  affectations individuelles.

L’éducation, capable de produire un bon citoyen, commence, comme nous le savons tous,  dès le bas âge. Nous sommes donc appelés à réhabiliter l’allaitement maternel, le sevrage réel, l’apprentissage de l’alimentation familiale… Elle se poursuit grâce à la discipline au sein des écoles, des collèges et des lycées, avec obligation d’adhérer aux organisations de la jeunesse.

Nous sommes, enfin, appelés  à réhabiliter le service national. Ce dernier doit être généralisé sans aucune exception avec des aménagements pour chaque catégorie de la population. Aucun pays arriéré au cours de la seconde décennie du siècle dernier n’a pu percer, au cours des années 1990, sans un service national efficace.       

Aucun programme de relance ni de sauvetage de l’économie ne pourrait donc aboutir, en Tunisie, tant que ledit élément n’a pas été revu de fond en comble. Ce qui nécessite la vraie révolution que chaque peuple, qui aspire au progrès, doit déclencher et faire aboutir.

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